David Edwards est un scientifique, un inventeur et un écrivain.
Professeur de bio-ingénierie à la School of Engineering & Applied Sciences de l’université de Harvard. les recherches du Dr Edwards ont permis la création d’Advanced Inhalation Research, amenant à l’avis favorable de la FDA pour Inbrija, la L-Dopa inhalée pour le traitement de la maladie de Parkinson. Ses travaux précurseurs sur l’hydratation des voies respiratoires ont entraîné la création de FEND, l’une des meilleures inventions de l’année 2020 selon Time Magazine. Le Dr Edwards s’est vu décerner un certain nombre de distinctions et de prix internationaux. Il est membre de l’Académie nationale d’ingénierie aux États-Unis et en France, membre de l’Institut national des inventeurs et Chevalier des Arts et des Lettres du ministère français de la culture. Il est également l’auteur de livres portant sur les mathématiques appliquées, et le créateur de « Le Laboratoire » à Paris et à Cambridge, un espace de laboratoire dédié aux scientifiques et aux artistes.
Insights : Bonjour David, vous avez participé dernièrement à la table-ronde « Comment les innovations en matière de santé font-elles progresser nos sociétés ? » à l’occasion de THRPTX, le premier symposium scientifique international organisé par Servier. Dans un premier temps, pourriez-vous s’il vous plaît revenir pour nos lecteurs sur cette thématique : que vous évoque-t-elle ?
David Edwards : De nos jours, les défis et les opportunités liés aux soins de santé apparaissent très rapidement. Pour répondre à ces défis et à ces opportunités, il est nécessaire de savoir comment mettre les innovations dans le secteur des soins de santé à la disposition des patients plus rapidement que jamais.
L’intelligence artificielle (IA) s’est manifestement imposée à une vitesse incroyable et constitue une opportunité majeure pour les innovations dans le secteur de la santé, mais également, dans une certaine mesure, un défi. La vitesse à laquelle l’IA s’est développée est vertigineuse – et le grand public s’attend à ce que le secteur de la santé lui donne un sens, tout aussi rapidement.
La COVID-19 est devenue une menace importante pour la santé humaine et les économies mondiales avec une rapidité inhabituelle. Mes recherches, qui portent sur la santé respiratoire et les nouvelles technologies dans le domaine des soins de santé respiratoires, m’ont placé au cœur de la problématique de la pandémie. Elle a également placé les scientifiques spécialisés dans les aérosols tels que moi, ainsi que les spécialistes des maladies infectieuses, les régulateurs et les autorités de santé publique, à la frontière de la science. Là, nous avons tous appris, tout découvert et nous nous sommes familiarisés avec des domaines scientifiques qui, jusqu’alors, étaient largement limités à la sphère académique.
Le grand public attendait des scientifiques et de l’industrie du secteur de la santé qu’ils innovent et résolvent les problèmes liés à la pandémie – et même si le succès a été au rendez-vous, il a souvent été associé à une certaine confusion dans l’esprit du grand public. Nous devons mieux gérer l’évolution rapide des innovations dans le secteur de la santé.
Je me concentre particulièrement sur un autre défi, celui du changement climatique en ce qui concerne la santé humaine. Là encore, les voies respiratoires humaines sont au premier plan des défis à relever en matière de santé. Avec le réchauffement climatique, les écosystèmes terrestres se déshydratent et, avec eux, les voies respiratoires humaines. La santé respiratoire, encore mise à mal en raison de l’utilisation de combustibles issus de la biomasse, est très inégale au sein de la population humaine. Les personnes les plus exposées à la déshydratation des voies respiratoires et aux maladies respiratoires, allant de l’asthme à la grippe, sont souvent celles qui ont le moins accès à des soins de qualité.
Je soulève cette question principalement pour illustrer le fait qu’en améliorant les solutions en matière de soins dans cette ère de défis et d’opportunités qui évolue rapidement, nous devons être sensibles à la nécessité de fournir des solutions non seulement à ceux qui peuvent se les offrir, mais également à ceux qui n’en ont pas les moyens.
Insights : En allant plus loin, quel rôle la société peut-elle jouer dans le développement des innovations thérapeutiques ?
D.E. : Pour que la société humaine ait un impact sur les innovations dans le secteur de la santé, elle doit se faire entendre à ce sujet. En toute honnêteté, les innovations dans le secteur de la santé n’atteindront pas leurs objectifs optimaux, à savoir fournir des soins de santé au plus grand nombre et le plus rapidement possible, si la société humaine ne prend pas part au débat scientifique. Les innovations dans le secteur des soins de santé ont tendance à être fortement orientées par les essais cliniques menés chez l’humain et par les processus réglementaires, à juste titre.
Cependant, ce processus donne rarement aux patients, c’est-à-dire aux consommateurs de soins de santé, la possibilité de s’exprimer contrairement au même processus d’innovation, par exemple, dans le secteur de l’alimentation. La récente pandémie, au cours de laquelle le grand public a souvent pu s’exprimer (et je dirais même que sa voix a été amplifiée par le secteur de la santé), pourrait en être la cause.
Insights : Selon vous, comment peut-on réduire les barrières entre le secteur de la santé et le grand public ?
D.E. : Je pense que nous devrions trouver des moyens créatifs d’inviter le grand public à participer aux processus scientifiques, de l’aider à comprendre d’où viennent les innovations en santé et d’apprécier l’enthousiasme suscité par les découvertes. Si le grand public est cantonné de l’autre côté de la frontière entre la recherche et le produit commercialisé, il ne comprendra jamais d’où viennent les innovations. Compte tenu du rythme des changements actuels, l’incapacité du grand public à s’intéresser à des produits qui passent très rapidement de la recherche à la commercialisation sera encore plus problématique, car le langage de ces produits reflétera une culture (la culture des innovations et des découvertes) que le grand public ne sera pas préparé à comprendre. Je recommande vivement au secteur des soins de santé et aux scientifiques de communiquer de manière plus transparente.
En étant plus inclusifs, nous pouvons permettre aux patients et aux soignants d’intégrer plus facilement les innovations dans leur vie, et les personnes du grand public intéressées par la recherche pourront avoir la possibilité d’apporter leur propre contribution à la science dans le secteur de la santé.
Insights : Dans les années à venir, quelles sont les innovations qui, selon vous, pourraient révolutionner la vie des patients d’un point de vue médical ? Et comment pouvons-nous nous y préparer ?
D.E. : La thérapie génique, l’intelligence artificielle et d’autres innovations scientifiques et technologiques modifieront les soins de santé au cours des dix prochaines années. Cependant, les innovations scientifiques relativement simples permettant d’améliorer la santé du plus grand nombre sont peut-être celles qui ont le plus d’impact.
Notre compréhension de la biologie, des processus de soins et du matériel est aujourd’hui telle que nous avons la possibilité de remodeler la nature à partir de ses propres éléments constitutifs. C’est ce qui se passe aujourd’hui, dans le cadre de mon travail, lorsque nous parvenons à comprendre comment nos voies respiratoires s’adaptent à l’évolution des conditions climatiques, et ailleurs, dans le cadre des nombreuses possibilités offertes par la nouvelle compréhension du microbiome.
«THRPTX », le Therapeutics Innovation Summit, est le premier symposium qu’organise le groupe Servier à Paris-Saclay. L’événement a réuni plus de 200 experts, décideurs, médecins, chercheurs et observateurs éclairés pour faire le point sur les grandes avancées thérapeutiques en oncologie, tout en imaginant leurs répercussions possibles sur l’écosystème de la santé.